Ma première dégustation du vin jaune avec Jean
Dans les années 1958/1959, papa et Jean plantaient environ 4 hectares de pommes de terre. Elles étaient destinées à l’engraissement des cochons, à la consommation alimentaire, dont une partie vendue par l’intermédiaire d’un marchand de Charlieu et conditionnées en sac de 50kg et une partie à la féculerie de Feurs.
Heureusement, papa avait acheté une arracheuse tirée par 2 chevaux. Le ramassage, en principe l’après-midi, était effectué par papa, maman, Odette (la plus habile à remplir les paniers) et moi-même, alors que Jean était surtout occupé à verser les paniers dans un tombereau qui suivait la petite troupe.
Les caves des Bruyères étaient insuffisantes pour le stockage d’une telle récolte. Les cousins (Chetaille – Chinardet) propriétaires de la grande maison au bourg de St Igny avaient accepté de mettre à la disposition de papa la grande cave souterraine et qui avait accès avec l’extérieur par un plan incliné. Autrefois, ce grand bâtiment était exploité par Louis Chetaille pour plusieurs activités : épicerie - marchand de charbon - marchand de vin - divers transports, etc...
Voici une copie d’une affiche « semaine de 40 heures » émanant des marchands de vin du canton de Chauffailles, en date du 10 mai 1937 !! Cliquez sur l'image pour l'agrandir |  |
Le déchargement des tombereaux se faisait à l’aide d’une grande corbeille en osier. Vue la contenance, il fallait être deux pour la porter. Cette tâche incombait à Jean et à moi- même.
Par une chaude journée d’automne, avec Jean, nous procédions au déchargement de cette cave au bourg de St Igny. Ce n’était pas la coutume d’emporter des boissons pour le ramassage des pommes de terre, mais la soif nous tenaillait !!!
Jean avait repéré que notre cousin disposait d’un stockage important de bonnes bouteilles, bien rangées dans des boisseaux alvéolés en terre cuite. Etant donné le nombre, une de plus, une de moins, nous avons jugé que nous pouvions prélever une bouteille. Jean porta son choix sur une bouteille de vin jaune du Jura. Pour ma part, je n’en connaissais même pas l’existence. Jean (qui avait toujours les bons outils au bon moment) sortit son tire-bouchon. La dégustation se fit au goulot et nous régala pour l’après-midi !!
Inutile de préciser que celle-ci resta confidentielle, à l’époque, entre nous deux !!
Pourquoi je n’ai pas fait de service militaire
Lorsque nous avions 20 ans, le service militaire était obligatoire. Ce passage obligatoire pour les garçons passait par une première étape : le recensement dans les mairies, appelé CONSEIL DE REVISION à l’âge de 19 ans. Pour ma part, c’était le 19 mars 1958 (tiens, tiens le jour de la St Joseph, peut-être que...).
Tous les conscrits devaient se présenter physiquement à la mairie de chef lieu de canton. Après l’appel effectué par les gendarmes, on se devait de passer à un entretien individuel avec un médecin militaire. Ensuite on devait défiler dans la salle du Conseil Municipal devant tous les maires du canton et quelques militaires dans la tenue la plus légère. A l’époque, il n‘y avait que des hommes autour de la table. A ce moment on nous annonçait si nous étions aptes au service militaire.
Nous étions, pour ma classe 59, tous convoqués ce 19 mars à la mairie de Chauffailles à 14 heures. La gendarmerie du chef-lieu était aussi présente à notre regroupement. Au bout d’un quart d’heure d’attente, il nous est annoncé qu’il y aurait du retard. En effet, les deux véhicules militaires qui amenaient ces messieurs à Chauffailles s’étaient accrochés entre La clayette et Chauffailles. Ils sont donc arrivés avec deux heures de retard !!
Pendant l’attente et en compagnie des gendarmes, nous nous sommes tous retrouvés dans les cafés de la place... Et, là, nous avons consommé sans modération. A l’époque c’était surtout du vin en pot. Tous les conscrits étaient plus que gris (moi en particulier), y compris et surtout les gendarmes ! Pour ma part, j’étais coiffé du képi du chef de la brigade (impensable de nos jours !!)
16 heures arrivent et voilà nos militaires. Rassemblement devant la porte d’entrée de la mairie. Mais une difficulté majeure survient : les gendarmes étaient dans l’incapacité de faire l’appel. Alors, nous étions un véritable troupeau.
Après avoir déposé mon képi, je me suis dis : « Faute d’appel, il faut y aller » ! Je me suis donc présenté le premier dans le bureau de Mr le Maire où se trouvait le médecin militaire.
J’ai décliné mon identité. Il sort un dossier sur lequel figurait mon nom. Il faut dire que lors du recensement j’avais produit un certificat médical du docteur Gavot (médecin de la famille, mais je ne suis pas sûr de l’orthographe). Ce certificat faisait état que j’avais eu deux crises de rhumatismes musculaires et articulaires suite à des angines mal soignées.
Là débute un interrogatoire sur ma profession et mes capacités physiques. A l’époque je travaillais sur la ferme des Bruyères pendant que Rémy effectuait son service militaire en Algérie. Plus il me questionnait, plus j’affirmais que tout allait bien et plus il était convaincu que je souhaitais effectuer mon service militaire. Plus tard, j’ai appris qu’avec le changement de climat (c’était au moment de la guerre d’Algérie), cela aurait pu me déclencher des crises de rhumatismes qui m’auraient autorisé à demander une pension militaire. Quelle erreur !!
Je me suis vu délivrer un livret militaire avec la mention « exempté ». Quelle aubaine !!! Je devenais le soutien des brunes et des blondes de ma classe !!!!
A la suite de quoi, en mobylette avec mes conscrits de St Igny, nous avons terminé la journée à Beaujeu. Quelle soirée !! Avec un retour difficile vers 5 heures du matin. A cette époque, il y avait peu de circulation et pas de contrôle d’alcoolémie ! Heureusement !!!
Lorsque je suis arrivé aux Bruyères, papa était déjà levé et s’affairait à faire cuire son chaudron de pommes de terre pour les cochons. Aussitôt, une question : « Alors ? » Une réponse : « je suis exempté ! ». Réponse énergique : « Va donc te coucher, nous en parlerons à midi ! ». Ravi de cette décision !
A midi, maman me réveille. Nouvelle question de papa : « Alors ? ». Même réponse : « je suis exempté ! ». Il faut dire que je suis le second et de suite de la fratrie, puisque Michel, lui non plus, n’a pas fait de service militaire. Il est vrai qu’il était fragile quand on sait la carrière de maçon qu’il a fait dans l’excellence et dans la dureté !!...
Beaucoup dans le village ont cru que papa avait des relations. C’était simplement un heureux concours de circonstances.
Quelle chance nous avons eu de vivre une telle jeunesse au sein d’une famille nombreuse !!!
Le jour de la première communion de Rémy
A cette époque la première communion était une grande fête : messe solennelle le matin et vêpres à 15 heures l’après-midi. Bien entendu la famille proche était invitée : parrain et marraine, l’oncle et la tante Louis Durix de St Laurent en Brionnais, l’oncle et la tante Joannès Augros de Chauffailles. D’autres personnes encore et en particulier ce jour-là, notre cousin Dédé Augros, fils de l’oncle et la tante de Chauffailles.
A midi, comme il se devait, tout le monde se retrouvait pour un bon repas dans la salle à manger aux Bruyères. Mais un repas c’est long et les conversations des adultes ne nous captivaient pas !! Nous avions obtenu l’autorisation de sortir de table. Aussitôt, nous voilà lâchés dans la nature et comme ces cérémonies ont toujours lieu au printemps, l’occasion était belle d’aller dénicher un nid de geai ! Rémy en avait repéré un dans un arbre situé dans le pré en face de la maison.
L’expédition était lancée ! Rémy, le plus habile de la troupe, se proposa le premier pour grimper dans l’arbre. Il n’avait pas besoin d’échelle et n’avait jamais eu le vertige ! La besogne fut vite accomplie... Mais lors de la descente, un bout de branche sèche eut la mauvaise idée de se trouver sur son trajet !! Il va de soi qu’il était dans sa tenue de communiant, en particulier, il portait un beau pantalon neuf !!
Et ce qui pouvait arriver arriva : CRACK ! Un bel accroc dans l’arrière du pantalon !
Catastrophe ! L’heure des vêpres approchait ! Comment faire ? C’est là que le secours de Marguerite fut de la plus haute importance ! Vite, une aiguille et avec du fil noir et en un tour de main, elle effectua un bourrelet, tant bien que mal, pour masquer la déchirure du pantalon. OUF ! Tout allait pour le mieux !
Mais à la sortie des vêpres, les communiants quittaient le choeur de l’église et sortaient en premier par l’allée centrale, sous le regard des familles. Maman avait les yeux fixés sur Rémy qui n’était pas rassuré. Pour cette revue ! Et là maman s’aperçut de ce rapiéçage qui ne pouvait pas échapper à la vue de chacun lors de cette sortie d’église !
Inutile de dire que l’accueil, au retour à la maison, fut énergique car cet incident mit nos parents dans une belle colère... clôturée par une leçon de morale !!!
Le jour du mariage de Marguerite et Augustin en 1952
Tout au long de cette année 1952, une grande effervescence régnait à la maison des Bruyères : l’aînée de la fratrie allait se marier en octobre. Selon la tradition, tout allait se dérouler à St Igny en la demeure de la jeune fille et ce, après que le repas de fiançailles se fut, lui, passé à Coublanc (maison du jeune homme). Il fallut d’abord restaurer la salle à manger. Ensuite, élaborer le menu avec la cuisinière : Adèle Chabannon, maman de Monique (et dénommée Tante Adèle), et enfin habiller de neuf tout le monde : bonne affaire pour le magasin Dravet de Chauffailles et le marchand de chaussures Vermorel de Charlieu venu à la maison avec son camion (pour une dizaine de paires cela valait le déplacement !).
Sous les ordres de Tante Adèle, les jours précédents furent très agités : abattage de poulets, de pintades pour le salmis, fabrication du pain, préparation de tous les plats du menu de midi, du menu du soir. Les desserts étaient compris aussi, bien sûr : îles flottantes, gâteaux divers. Pour cela, l’aide de Marie-Louise Augros, cousine et amie de maman et marraine de Georges avait été requise. Pour la petite histoire, elle avait lancé un défi à nos parents le jour de leur mariage : « Je veux bien être marraine pour le 10ème ! » Elle ne croyait pas si bien dire !
Donc le grand jour arriva ! Tout était bien organisé et prévu. Papa avait même retenu un autocar Michel pour transporter tout le monde à l’église de St Igny. Mais le chemin était étroit, non goudronné. Lorsqu’il se présenta, impossible de faire demi-tour. Le chauffeur continua donc tout droit devant la maison et il trouva, après cinquante mètres, une terre plate, sans clôture qui longeait le chemin. « Belle aubaine, je vais faire demi-tour ici ! »Mais nous étions fin octobre, c’était une terre labourable et avec les pluies d’automne, l’autocar ne fit que quelques mètres dans cette terre avant de s’enfoncer dans le sol et de rester immobilisé !
Papa mit en oeuvre le plan B : la marche à pied pour se rendre au bourg et ceci dans la précipitation car les aiguilles avaient tourné et le temps était compté pour respecter l’heure à la mairie.
Pendant la cérémonie, il fallait tirer l’autocar de ce mauvais pas. A l’époque, il n’y avait pas de téléphone, encore moins de portable et autre moyen de communication. Je ne sais plus qui est allé chercher du secours, mais ce fut Louis Chabannon, père de Monique, qui vint avec son cheval, ainsi que le père Degueurce avec le sien pour ramener l’autocar sur le chemin.
A la sortie de l’église, alors que les cloches sonnaient à toutes volées, l’autocar tout propre nous attendait...
Et les festivités purent se poursuivirent comme prévu !!
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